L'invention des nouilles déshydratées n'est pas sans conséquences pour le Japon.Le 15 août 1945, la voix de l’empereur Hirohito s’élève de tous les postes de radio du Japon, pour annoncer la fin de la Seconde Guerre mondiale. Meurtri, ruiné, l’empire du soleil levant doit en plus faire face à une crise démographique sans précédent ; le pays a perdu ses colonies et 8 millions de Japonais reviennent sur l’archipel. La faim tenaille les habitants, et dans la rue, les files pour obtenir un bol de soupe sont interminables. C’est dans ce climat morose qu’une idée naîtra dans un esprit audacieux. Ando Momofoku est un entrepreneur touche-à-tout : textile, aviation, charbon, école. En 1951, il se lance dans le marché des ramens, avec un principe inédit à l’époque : proposer aux consommateurs des nouilles déshydratées, prêtes à consommer en trois minutes. S’ensuivra un succès commercial retentissant, et la constitution d’une des plus grandes entreprises alimentaires mondiales : Nissin Food.La folle, et ingénieuse, histoire de Ando Momofuku, fondateur de Nissin Food et concepteur des nouilles déshydratées.EXTRAITTous patientent dans les températures hivernales pour avoir un bol de ces nouilles servies dans un bouillon bien chaud. Se nourrir et se réchauffer à bas coût, plus qu’un plaisir, une nécessité. Cette image restera gravée en Ando Momofuku à jamais.–Tu te rends compte Masako ? On est prêt à attendre comme ça, dans le froid, juste pour un bol de rāmens ! –Il fait si froid.–Oui, mais il n’y a pas que ça, je pense que les Japonais sont amoureux des rāmens !–On peut dire ça… on en prend un bol ?En Ando Momofuku, l’entrepreneur est toujours présent. Une idée commence à germer dans l’esprit de notre fondateur : ce n’est pas seulement la faim de l’après-guerre qui attire tous ces gens. Le peuple japonais aime tellement ces pâtes, qui se savourent dans une soupe bien chaude. Rien ne les arrête, ni des températures extrêmes, ni un temps d’attente excessif.Il n’a aucun doute : plus nombreux encore sont ceux qui aimeraient en profiter, mais n’ont pas le courage ni l’envie d’attendre, qui plus est sous ces températures hivernales, la demande réelle est donc bien plus importante, ce qu’il voit ce jour n’est que la partie émergée d’un iceberg… mais c’est bien plus tard qu’il va mener des recherches dans ce domaine.Avec ces scènes difficiles du Japon d’après-guerre, une autre conviction forte germe dans l’esprit d’Ando, si les vêtements et un toit sont des besoins basiques pour l’être humain, sans nourriture, il n’y a plus rien qui a de l’importance. C’est toute la vision du monde de Momofuku qui est profondément bouleversée. Tous ces gens qui meurent de faim, que leur importe de beaux tissus pour leurs vêtements ? Que leur importe même une maison s’ils n’ont rien à se mettre sous la dent ? Et que penser de l’art, de la culture quand on a le ventre vide ?À PROPOS DE L'AUTEURAprès une jeunesse studieuse à Paris, Jean-François M. Chambon se marie dans le quartier des artistes à Montparnasse, son lieu de résidence principal depuis plus de trente années, quand il séjourne dans la capitale française. En 1990, il part pour Hong Kong, alors encore sous drapeau britannique. Deux ans plus tard, il rejoint le domaine particulier de la finance et est formé par les meilleurs. C’est après l’an 2000 qu’il s’investit à nouveau activement dans le développement de l’Asie. Cette fois-ci, il s’envole pour le Japon et opère dans les milieux financiers de la région, pour des grands groupes japonais et chinois.